Situé entre Calais et Boulogne, ce territoire labellisé Grand Site affirme sur la frange littorale un caractère à dominante rurale.
À la charnière de la plaine des Flandres et des plateaux picards, il présente une grande diversité de paysages et d’importantes surfaces cultivées (75 %). L’abrupt des falaises, qui culminent à cent trente mètres, alterne avec dunes et prairies humides rythmées par les ports et villages côtiers. Une quinzaine d’exploitations agricoles modèle collines et vallées où alternent prés et champs, bois et haies jusqu’au bord de la falaise : élevage, cultures de lin, de colza ou de blé structurent la terre et lui donnent ses couleurs au fil des saisons. De toute part, on est saisi par l’horizon et la mer omniprésente. Cette ouverture du paysage et la confrontation avec les côtes anglaises constituent les atouts et les risques de ce milieu fragile.
Une mutation irréversible
L’activité agricole contribue à façonner et entretenir le paysage d’openfield par la production céréalière et le bocage par l’élevage de bovins principalement. Les ovins interviennent plus sur les prairies, à l’initiative du Conservatoire du littoral. Les agriculteurs sont les premiers concernés par la mise en valeur du bâti des fermes et l’entretien des chemins vicinaux dont la disparition signifierait la banalisation de l’environnement, voire sa dégradation. Cependant, la diminution du nombre d’exploitations, plus de la moitié en une seule génération, et la disparition de la main-d’œuvre familiale ont entraîné depuis une vingtaine d’années une profonde mutation, renforcée par la quête de rentabilité et le respect des normes européennes : disparition des herbages au profit du maïs et du fourrage, extension de la taille des propriétés agricoles.
Reconquête
Dans son analyse de l’utilisation du sol, l’auteur souligne l’artificialisation de la région Nord-Pas-de-Calais et la croissance des espaces naturels au détriment d’anciens sites industriels, tout en reconnaissant qu’elle correspond davantage à une dissémination de petites plantations d’arbres. En ce qui concerne l’utilisation urbaine du sol qui croît fortement, son renouvellement est moins intense que sa dégradation. Elle entretient avec les exploitations agricoles des logiques d’anticipation autant que de dépendance. Valeurs et usages de l’espace : approches méthodologiques des dynamiques foncières dans la région Nord-Pas-de-Calais, de Guillaume Schmitt, 2009.
Sauver l’esprit des lieux
Soucieux d’assurer le développement économique du territoire sans compromettre l’outil de travail qui l’a façonné, le Conseil général tend à mettre en place une politique de complémentarité destinée à trouver l’équilibre entre la pression foncière, les équipements touristiques (deux millions de visiteurs par an) et l’essor d’une agriculture durable et de proximité.
Une assistance technique est offerte par la Chambre d’agriculture du Pas-de-Calais qui vise à préserver l’impact des machines agricoles sur l’élargissement à leur profit des entrées de ferme ou des chemins, à réduire l’utilisation des engrais chimiques et à lutter contre l’érosion des sols en favorisant les plantations. Les révisions des plans d’urbanisme des communes impliquées sont d’ailleurs systématiquement assorties d’une étude paysagère communale et incluses dans le SCOT. Cette démarche contribue à impliquer les exploitants dans la gestion de leur milieu et à les sensibiliser à la qualité de leur environnement. La communauté de communes de la terre des Deux Caps entend pérenniser l’espace agricole, qui subit de plein fouet le grignotage de la résidentialisation, et veille à l’équilibre de l’occupation du sol menacé par l’attractivité du littoral. Elle apporte son soutien aux agriculteurs désireux de pratiquer la vente directe, de se diversifier et d’innover en matière de développement durable.
Consciente de la qualité de ses paysages et de leur fragilité, la communauté de communes concourt à fédérer l’ensemble des acteurs.
Vera PROSZYNSKA
Journaliste